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Mes grands-parents Serrato qui habitaient
la villa "Saint-André des Anges", route d'Ain-el-Hadjar,
près du cimetière juif, m'ont élevée pendant la deuxième Guerre mondiale
(mon père était militaire). Pour moi, ce fut une période heureuse auprès
de mes cousins Guy, Claudette Meyer et Roland Stein. Les enfants de six
et sept ans sont insouciants, mais un grand chagrin est venu ternir cette
joie. Face à la villa de mes grands-parents se dressait une bâtisse imposante
leur appartenant. Sur le fronton de l'entrée, était inscrit: "Maison
Abdelkader" car plus loin se trouvait la grotte du même nom, juste
avant le pont de pierre qui menait à la maison forestière.
Cette grande maison avait une cour intérieure et tout autour des appartements
habités par des familles pauvres dont le Marabout et ses enfants Orquilla
et Mohamed. Ma grand-mère s'occupait beaucoup de ses enfants, elle les soignait,
les habillait (elle avait une machine à coudre), tous l'appelaient "Tata
Thérèse". Un soir que je dormais, ma grand-mère me réveilla en me disant "pousses-toi un peu, fais une petite place à Mokhtaria, (une petite fille de six ans comme moi avec qui je jouais), son papa est très malade". Mokhtaria a donc dormi avec moi et le lendemain nous avons appris le décès de son papa. Cette petite fille chétive et fragile tomba malade à son tour, peu de temps après et malgré les remèdes de ma grand-mère et les prières du marabout, mourut. Ce fut un déchirement pour moi, pour la première fois je réalisais que la mort peut frapper n'importe qui, même une innocente de six ans. Des années après, son souvenir est intact d'autant plus que sa maman Khadjidja et ses frères Mokhtar, Kouider et Bouziane Cherifi ont habité la maison du jardinier dans l'enceinte de la villa Saint-André des anges. A cette époque, il y a plus de cinquante ans, nous vivions tous ensemble, sans haine, partageant tout: les joies et les peines. Les années passent mais les souvenirs restent toujours ineffaçables. Quoique l'on pense, les diverses communautés saïdéennes sont très liées à cette terre qui nous a vu naître et grandir. Texte de Gladys Banos-Ségura |