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La lecture
de "L'Écho de Saïda" a un impact très fort sur ma nature
nostalgique. Les souvenirs de Yacinthe Navarette qui fut mon voisin et de
Rollande Bénichou m'ont fait revivre des moments d'émotion qui s'inscrivent
dans notre histoire. Quant à moi qui aime bien écrire, je voudrais vous
faire revivre ces longues soirées d'été qui rejoignent au marché des souvenirs
ceux évoqués par nos amis.... Je n'avais alors que 11 ans, mais je nous
vois comme si cela se passait hier. Rappelez-vous, après une chaude journée
d'été ou le thermomètre atteignait les 40 degrés, le climat semi-saharien
de Saïda nous offrait des soirées tempérées. ll eut été dommage d'aller
se coucher à neuf heures du soir dans des maisons surchauffées alors qu'il
faisait si bon dehors. Après dîner, nos parents s'installaient sur
le trottoir devant la maison pour "prendre le frais". Nous habitions à l'époque rue Pasteur, à mi-hauteur d'une pente qui allait du passage à niveau de Mme. Pla, suivait l'avenue Gambetta, pour atteindre le niveau de l'église juste au-dessus du cinéma Palace. Nos parents s'asseyaient sur des chaises -peu de favorisés disposaient de relax ou fauteuils à bascule- et discutaient (tchataient) avec les voisins. La soirée commençait à 21 heures pour se terminer vers 1 heure du matin. Nous n'allions pas à l'école le lendemain puisque cela se passait durant les grandes vacances. La télévision n'existait pas, alors pour nous les relations de bon voisinage se trouvaient confortées. Comment la jeunesse meublait-elle ces heures de loisirs inespérées pour les enfants que nous étions... Cela allait des distractions les plus calmes à celles frisant la violence. ll convient de préciser que les jeux touchaient les jeunes de 10 à 18 ans, sans complexe aucun les uns pour les autres, et en majorité des garçons.. Si l'énergie faisait défaut, nous nous réunissions à même le sol la plupart du temps, et l'un d'entre nous parmi les grands racontait des histoires pour rire ou des contes imaginaires. Je me souviens de l'un de mes camarades, Jojo Pardon qui habitait rue Delbecque, en face de l'école primaire; il n'avait pas son pareil pour inventer des histoires qui nous fascinaient. Un autre jeu concernait plus particulièrement les moins de 12 ans; c'était le jeu des noyaux d'abricot ou "pignols". Nous nous mettions sur un trottoir face à un mur, et jetions à tour de rôle un noyau; le premier qui touchait un des noyaux déjà au sol ramassait tous les pignols jetés jusque là; une autre variante consistait à détruire une pyramide de 4 noyaux. Les collectionneurs dont j'étais, pouvaient avoir des milliers de noyaux, et la grande distraction d'alors consistait à les compter. Nous atteignons maintenant les jeux réservés aux grands, mais parfois des petits comme moi pouvaient s'intégrer. Le premier s'appelait "chincha la fava" (mélange d'espagnol et de français); nous formions deux équipes de 2 à 10 jeunes, une équipe mettait l'un de ses éléments en butoir contre un mur, le reste de l'équipe se plaçait en position de saute-mouton, le premier tête appuyée contre le ventre du butoir, les autres passaient leur tête sous les jambes du précédent en s'agrippant à ses jambes comme pour une mêlée de rugby. L'équipe adverse devait sauter sans tomber, sur le serpent humain, ainsi créé en s'entassant les uns sur les autres, jusqu'à ce que le support s'écroule; plus nous étions nombreux, plus nous apprécions ce jeu de garçons exclusivement. Une fois le "serpent terrassé" les sauteurs devenaient porteurs et une nouvelle joute s'engageait. Le second jeu s'appelait "raolika" (qui ne veut rien dire). En fait il s'agissait d'un gigantesque jeu de cache-cache. Nous définissions les limites du quartier à l'intérieur duquel se déroulait le jeu (3 à 4 rues à partir du point de départ). L'un d'entre nous appuyé au mur devait fermer les yeux et crier ''raolika 1, raolika 2, raolika 3", puis se lancer à la recherche de ses camarades qui utilisaient, arbres, porches, fossés, pylônes, etc... pour se cacher. Le jeu se terminait quand tous étaient retrouvés, puis nous recommencions. D'autres jeux se pratiquaient aussi, comme le "caricco" (petit chariot); sur une planche qui servait de siège nous adaptions des roulements à billes d'automobiles, fixes à l'arrière, et mobiles à l'avant sur une barre permettant de diriger le "caricco" avec les pieds. Dans notre ville très en pente ce jeu faisait fureur, mais davantage le jour que la nuit à cause du bruit des roulements. C'était là-bas et nous étions heureux... Texte de André Soler |