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Trop de choses m'attachent à cette bonne
ville de Saïda pour que je puisse l'oublier. Trop de liens d'amitiés
ou d'affections, de doux souvenirs ont fait que, malgré l'éloignement, j'y
ai laissé mon coeur et beaucoup de mon âme de poète. Je revois
notre petit hôpital, sa vieille chapelle, et cette gazouillante vasque
d'eau remplie de poissons rouges au milieu de nos jardinets de roses. Je
revois nos deux boulodromes où sous l'ombre fraîche des micocouliers,
des platanes, d'interminables parties de boules se déroulaient tous les
jours. De chez nous, j'apercevais notre belle église, accroupie sur la place
comme un dromadaire au repos, et puis entre le clocher de la chapelle et
la cheminée de la cuisine de l'hôpital, installée dans la nef de la
chapelle, mon regard se posait souvent, comme instinctivement attiré, sur
la croix, là-bas, sur la montagne. En vagues rêveries surgissent les nostalgiques souvenirs de promenades au Vieux Saïda, ancien refuge de l'Emir, au communal de Nazereg, aux cascades de Tiffrit, et où, en famille nous goûtions des dimanches ensoleillés et heureux, dans la fraîcheur chantonnante des sources, dans les fouillis de verdure, dans la paix et la douceur de vivre. Je me souviens de ces lointaines randonnées, fusil en main, chien en éclaireur, dans les bois, les forêts de Fénouane, Sidi-Youssef, El Ari, à courir après les perdreaux, les lapins, crevant de soif et de fatigue, mais si heureux le lendemain en racontant nos exploits de la veille et les délices d'un bon riz. Alors, j'ai pensé à vous, mes chers amis et compagnons, et les lignes qui suivent, relatant ma première partie de chasse, sont sorties de mes doigts sous la frappe d'une machine à écrire; elles sont venues toutes seules, comme si mon coeur pleurait la bonne ville perdue. |
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