Il
est enfin admis, très officiellement, que la Guerre d'Algérie
a bien eu lieu et cette reconnaissance, même tardive, semble apporter
un début d'amélioration dans les relations très conflictuelles
entre les deux pays. Attendons pour juger jusqu'où ira ce mieux.
Mais, dans l'ombre de cette guerre qui ne voulait pas dire son nom, reste
encore et toujours le sort incroyable de ces malheureux harkis, ces musulmans
ralliés à la France, combattants valeureux d'une cause qui
n'était qu'à moitié la leur et dont ni le combat
ni le sacrifice ne furent jamais tout à fait reconnus. Une partie
de ces hommes -la moindre- réussit, avec le concours de l'armée
française, à se joindre à l'exode des pieds-noirs
dans l'été 1962, avant d'être parquée dans
des camps insalubres où elle dut subsister dans des conditions
que l'on peut qualifier d'honteuses et déshonorantes, mais c'était
alors tout ce qu'avait à lui offrir cette France "belle et
généreuse".
Pour tous les autres, que la métropole refusa d'accueillir, ce
fut l'effroyable massacre dont on ne dira jamais toutes les horreurs:
égorgement, pendaison, mutilations de toutes sortes, ébouillantement
même, au son de joyeux you-you. 150.000 hommes, et probablement
plus, furent ainsi sacrifiés parce qu'ils avaient aimé et
servi la France. Un génocide enfoui dans le silence, un holocauste
nul et non avenu... Aujourd'hui, hélas, le pire est de constater
que cette poignée de harkis débarquée et restée
en France ne compte toujours pour quasiment rien. Comment nos gouvernements
successifs depuis 1962 ont-ils pu demeurer aussi insensibles au drame
de ces hommes et de leur familles?
Pourquoi l'héroïsme de ces hommes, dans ces années
terribles où l'extermination de ces musulmans était l'ordre
N°1, pourquoi la dignité et l'exemplaire courage de ces harkis
dont le concours armé fut en tant de lieux essentiel, pourquoi,
oui pourquoi, alors même qu'ils sont français à part
entière, les a-t-on si peu aidés, si mal secourus, qu'ils
se sentent encore de nos jours des "exclus"? Est-ce trop demander,
en leur nom, qu'une commission d'enquête se saisisse enfin de ce
douloureux problème, jusqu'à proposer enfin que ces harkis
qui ont si cher payé leur liberté, soient reconnus, honorés
et indemnisés comme étant ce qu'ils sont: des nôtres?
La France se grandirait de rendre une telle justice avant que cette part
de ses fils algériens ne soit tout à fait disparue.
Georges-E. PAUL - L'Écho de l'Oranie (Janvier-Février 2000)
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