Devoir de mémoire

Les harkis... 37 ans après

Il est enfin admis, très officiellement, que la Guerre d'Algérie a bien eu lieu et cette reconnaissance, même tardive, semble apporter un début d'amélioration dans les relations très conflictuelles entre les deux pays. Attendons pour juger jusqu'où ira ce mieux. Mais, dans l'ombre de cette guerre qui ne voulait pas dire son nom, reste encore et toujours le sort incroyable de ces malheureux harkis, ces musulmans ralliés à la France, combattants valeureux d'une cause qui n'était qu'à moitié la leur et dont ni le combat ni le sacrifice ne furent jamais tout à fait reconnus. Une partie de ces hommes -la moindre- réussit, avec le concours de l'armée française, à se joindre à l'exode des pieds-noirs dans l'été 1962, avant d'être parquée dans des camps insalubres où elle dut subsister dans des conditions que l'on peut qualifier d'honteuses et déshonorantes, mais c'était alors tout ce qu'avait à lui offrir cette France "belle et généreuse".

Pour tous les autres, que la métropole refusa d'accueillir, ce fut l'effroyable massacre dont on ne dira jamais toutes les horreurs: égorgement, pendaison, mutilations de toutes sortes, ébouillantement même, au son de joyeux you-you. 150.000 hommes, et probablement plus, furent ainsi sacrifiés parce qu'ils avaient aimé et servi la France. Un génocide enfoui dans le silence, un holocauste nul et non avenu... Aujourd'hui, hélas, le pire est de constater que cette poignée de harkis débarquée et restée en France ne compte toujours pour quasiment rien. Comment nos gouvernements successifs depuis 1962 ont-ils pu demeurer aussi insensibles au drame de ces hommes et de leur familles?

Pourquoi l'héroïsme de ces hommes, dans ces années terribles où l'extermination de ces musulmans était l'ordre N°1, pourquoi la dignité et l'exemplaire courage de ces harkis dont le concours armé fut en tant de lieux essentiel, pourquoi, oui pourquoi, alors même qu'ils sont français à part entière, les a-t-on si peu aidés, si mal secourus, qu'ils se sentent encore de nos jours des "exclus"? Est-ce trop demander, en leur nom, qu'une commission d'enquête se saisisse enfin de ce douloureux problème, jusqu'à proposer enfin que ces harkis qui ont si cher payé leur liberté, soient reconnus, honorés et indemnisés comme étant ce qu'ils sont: des nôtres? La France se grandirait de rendre une telle justice avant que cette part de ses fils algériens ne soit tout à fait disparue.


Georges-E. PAUL - L'Écho de l'Oranie (Janvier-Février 2000)

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