La piste défile.

Paysage familier que cette poussière aride et ocre.
Des petites touffes d'alfa se dressent, hirsutes entre les palmiers épars.
Troupeaux de moutons et de dromadaires qui paissent la maigre végétation.
Du plus profond de mon oubli, un voile se lève, un rideau noir se déchire, impression de déjà vu, je reconnais mon ciel, mon soleil d'Afrique.
Traversée de petits villages blancs où les maisons enchevêtrées ne semblent pas achevées, linge qui sèche, chèvres en liberté qui se baladent dans les ruelles.
Vieux arabes emmitouflés dans leurs burnous, têtes enrubannées, lovés sur le seuil de leur maison, ils égrainent le temps qui passe.
Rien ne semble les déranger, la vie s'écoule, sans surprise. Un canoun réchauffe l'eau pour le thé.
Une charrette passe, tirée par un âne malingre à l'oeil doux et triste. Un monticule d'herbes s'entasse sur le plateau et l'on se demande par quel miracle le vieil homme qui semble endormi ne lâche pas les rênes.
Les mêmes gestes ancestraux, toujours.
Les femmes voilées de blanc, démarche chaloupée et ondulante, silencieuses dans la lumière, transparentes de discrétion; elles semblent sortir de nulle part, semble aller nulle part.
La musique s'envole, lancinante, elle se glisse, se faufile et s'engouffre partout, comme un serpent, rythme obsédant qui entraîne le corps, l'oblige à danser et berce le coeur et l'âme.

La piste défile.

Le désert est là.
Dunes mouvantes sous le soleil.
Vagues de sable dociles aux caresses du vent.
Teintes dégradées de beiges, de safrans et de jaunes.
Les palmiers semblent jaillir de la masse sablonneuse, taches brunes et vertes, étonnantes au milieu de ces variations d'azur et de blonds.
Les dromadaires sont accroupis au souffle de l'air, attentifs à leurs guides qui devisent paisiblement.
Des bribes d'une langue voluptueuse me parviennent, mélodies inconnues, douces mélopées.
Hommes et bêtes ne bougent pas, ils ménagent chacun de leurs mouvements, la chaleur nous écrase.
Horizon sans fin.
Le ciel vient mourir contre les dunes, infini de firmament, pas un nuage, bleu, rien que du bleu.
Fascination de cette immensité intemporelle, instable et fluide sous la brise, nuances d'ambres et d'ors.

Terre d'Afrique à perte de vue.

Je suis là, je me fonds au paysage, je suis le sable, je suis le ciel.
Fille de bédouin, je suis d'ici.
Chez moi, enfin, enfin revenue.
Mémoire ouverte, mémoire retrouvée, mémoire vivante.
Soleil rose qui se lève sur ma terre Africaine.
Rencontre avec moi-même, avec mon enfance amputée.
Retrouvailles avec ma terre, mon sol, mes racines.



Texte-poème de Nancy Dona

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