![]() |
lnterloquée par les propos tenus par un de nos compatriotes lors de la réunion
de septembre à La Colle-sur-Loup, me disant : "Mes enfants et mes petits-enfants
ne me demandent rien et je ne raconte rien", j'ai pensé qu'il fallait réagir
aux lourdes conséquences de ce silence organisé. Ainsi à en croire notre
compatriote, au demeurant ouvert, encore jeune, et très connu, il faudrait
laisser s'engloutir tout un passé lié à notre histoire saïdéenne.
N'est-il pas important et même primordial de sauvegarder tout ce patrimoine
de tradition orale, tellement riche, et dont nous sommes les derniers dépositaires.
ll faudrait accepter que tous nos souvenirs entremêlés pendant plus de 120
ans à Saïda disparaissent dans l'enlisement ? ll faudrait supporter
le voile de l'oubli après celui de l'arrachement ? Eh bien non, car il nous
reste un devoir de mémoire si largement invoqué actuellement par les médias
pour d'autres événement. . . Oui, il nous reste ce témoignage de ce dont certains n'ont peut-être pas conscience, c'est à dire cette énorme masse d'histoires, d'anecdotes, d'événements joyeux ou douloureux vécus pendant des années. Oui, il nous faut transmettre toute cette culture qui fuse avec tant de spontanéité lors de nos rassemblements annuels. Comment en effet, ne pas être frappés par la verve, la truculence et le talent de conteur de beaucoup de Saïdéens. Chacun dans son domaine, évoque avec légèreté et humour des souvenirs toujours contés avec une inégalable fécondité. Chacun écoute l'autre et raconte à son tour; et c'est, je crois, la qualité de l'esprit saïdéen. Mais après tout, puisque notre descendance n'est pas intéressée, pourquoi s'attacher à sauvegarder tous ces souvenirs ? Peut-être, mais avez-vous songé aux petits-enfants de nos petits-enfants ? Prenons conscience que l'intermède saïdéen reste important et réagissons contre le vertige de l'oubli. Ne vous êtes-vous pas, à un moment ou à un outre, heurté au mur de l'ignorance de l'histoire familiale parce que nos parents ou nos grands-parents préoccupés par d'autres choses, ne nous ont pas transmis ce qu'ils savaient ? Nous avons un monde disparu à transmettre, aussi bannissons ce coupable silence qui nous fait enfouir toute cette richesse, que nous n'évoquons qu'au cours de nos réunions, alors qu'il nous faudrait au contraire laisser éclater cette culture qui, si nous n'y prenons garde, sera balayée impitoyablement par le temps. A vos cassettes, ou à vos plumes. Enregistrez vous et oubliez vous. Votre descendance dans un futur proche ou lointain ressentira l'émoi de retrouver ses racines sans lesquelles l'homme manque de bases. Texte de Suzanne Biré-Ramonda |