Réunion de famille

Les retrouvailles c'était samedi 3 juin 1995, mais l'émotion ne devait pas s'arrêter durant le week-end de la grande réunion familiale des Rodriguez, dispersés après l'exode algérien en 1962. Après les embrassades, parfois la découverte et les festivités, c'est le temps de la prière et I'hommage aux disparus, orchestrés par Ie prêtre de Ia famille. Haute-Garonne, Tarn, Tarbes, Toulon, Lyon et Paris, ils sont venus d'un peu partout en France et même d'outre-Atlantique, du Canada et de la Guadeloupe. Tous ont répondu à I'appeI de Félix Rodriguez, de Cugnaux. Chacun à sa manière, Ies cousins de Guadeloupe ont envoyé un émissaire en Ia personne de Ia grand-mère. Problème d'agenda et de kilométrage. Soixante-dix personnes étaient réunies dans Ia salle de boxe de Cugnaux. Certains ne s'étaient pas revus depuis trente ans, d'autres ne se connaissaient pas. Pour Félix, les visages retrouvés le rappellent aux souvenirs de l'Algérie qu'il a quitté à 17 ans. La vie près de Saïda dans les fermes, une vie heureuse apparemment. "On vivait à la mode espagnole, à proximité les uns des autres, dans des bourgades voisines, c'était la vie de famille." Il se souvient de la séparation, de l'arrivée à Bagatelle, de l'entraide. "Nous avons vécu un moment une vingtaine dans quatre pièces ...

Babette plus jeune, née en Algérie mais partie plus tôt, vit l'événement avec intensité. "Je m'en faisais une fête. Pour connaître ma famille, retrouver mes racines". Et elle raconte l'épopée des Rodriguez, quittant le sud de l'Espagne avant 1939 pour l'Algérie. Ses frères vivent aujourd'hui à l'étranger et elle se sent finalement "plutôt d'origine espagnole". Depuis qu'elle vit à Verdun-sur-Garonne, elle n'a qu'un désir, "s'enraciner". Elle fait du bénévolat pour faire vivre "sa" commune, le club de tir à l'arc, la maison des jeunes. Pascal, parisien d'adoption, né à Besançon, veut voir les choses plus simplement. "C'est une réunion familiale. Il y a beaucoup de personnes que je découvre mais je suis très content d'être ici. L'accueil est chaleureux". Issu de la branche familiale, implantée à Toulon, il raconte : "J'ai des souvenirs d'Algérie sans y avoir jamais été. Ceux qui y ont vécu ont du soleil dans les yeux quand ils en parlent. Ils ont été heureux. Ce souvenir reste le plus fort pour eux". L'Algérie aujourd'hui ? "Ça fait mal", dit Félix Rodriguez. Il dit souffrir pour ce peuple avec qui il a partagé sa jeunesse. Privilégiés de l'enfance, pas de nostalgie du côté des petits derniers de la famille Rodriguez, tout à la dégustation des merguez.

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