L'école des batisseurs

La présence française en Algérie, à Saïda, c'était aussi les écoles, l'école de tous, l'école pour tous, garçons et filles, races et religions confondues. De la splendide faculté d'Alger, d'où sortirent, entre autres célébrités, le professeur Goinard, le professeur Aboulker, le pharmacien Ferhat Abbas, jusqu'à la plus humble école du douar le plus reculé, l'enseignement était quasiment partout présent. La foi dans leur tâche était la même pour le brillant "prof de fac" comme pour le modeste "instit" débutant dans la carrière. Dès 1850, les écoles ont commencé à pousser partout, ouvertes à tous, collèges et lycées ont suivis, se sont multipliés. A Saïda, la première école communale, tenue par les religieuses fut créée en 1863, d'autres suivirent, comme le groupe scolaire du square Flinois en 1898.

Et voilà qu'aujourd'hui, le gouvernement français, pour protéger ses ressortissants, ferme à juste titre, le lycée français d'Alger, dernier bastion de la présence française en Algérie. Voilà que les "fous de Dieu" mettent l'enseignement hors la loi, font sauter et incendient des centaines d'écoles, menacent de s'attaquer aux enseignants et élèves qui n'obéiraient pas à leur diktat. lci en France (ça n'arrivait jamais là-bas) lorsqu'une école ferme dans un petit village on a coutume de dire que les sources de vie disparaissent. Déjà en avril dernier, pour cause d'insécurité, les lycées français de Bône, d'Oran, et les centres culturels d'Oran, Bône, Constantine, Tlemcen et Tizi-Ouzou avaient fermé. Depuis la rentrée scolaire, les salles de classe du lycée d'Alger, dernier bastion de notre culture sont désertes.

Dans notre coeur à tous, et encore plus dans celui des enseignants qui se dévouèrent là-bas, cette fermeture sera ressentie comme le dernier coup de gomme sur notre présence, sur notre oeuvre civilisatrice. En 1962, nous sommes partis de chez nous, chassés par le ''vent de l'histoire", ce vent est en train de tourner.... Ah... Si on avait su... nous dit-on maintenant. L'Algérie que nous avons laissée, c'était un bel arbre, chargé de beaux fruits, il y en avait pour tous. Une à une "lls" ont coupé les branches de cet arbre; il en restait une un peu rabougrie, mais toujours vivante jusqu'à maintenant, l'école. Et au moment où M. Girard vient de nous quitter à 94 ans, lui qui fut parmi tant d'autres une figure exemplaire de l'enseignement en Algérie Française, nous ne pouvons croire que l'oeuvre admirable accomplie par nos maîtres, l'aura été pour rien.

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