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Nous avons reçu à la rédaction de "l'Echo
de Saïda" une lettre qui est destinée en fait à tous les Saïdéens et
qui nous pose un problème de conscience; Faut-il y répondre ou non ? Faut-il
y donner suite ou non ? Trente quatre ans après, les Saïdéens de "là-bas"
s'adressent aux Saïdéens "d'ici" pour reconstituer avec eux le patrimoine
de Saïda et les aider à en écrire l'Histoire. Pour nous l'Histoire de Saïda
est avant tout française: elle commence en 1844 avec la création de la Redoute.
Elle finit en 1962 avec l'indépendance et l'exode. Pourtant Saïda, avec
tout ce que nous y avons laissé, s'appelle toujours Saïda et les tombes
de nos ancêtres et de nos chers disparus demeureront à tout jamais là-bas. Que s'est-il passé entre 1844 et 1962 ? En 118 ans, notre ville, de petit bourg de colonisation, est passée au rang de préfecture. Des écoles pour tous se sont ouvertes, des hôpitaux pour tous ont été créés. Les techniques modernes venues de France, dans l'industrie, l'agriculture, le commerce, l'artisanat ont fait reculer la pauvreté. En 1954, et déjà bien avant, tout le monde, jusqu'au plus pauvre des pauvres, mangeait à sa faim et avait un toit. La paix régnait partout ainsi que l'harmonie entre les diverses communautés. Les trois religions principales cohabitaient avec beaucoup de tolérance et de respect mutuel, comme nul part ailleurs dans le monde. Le sport et la culture s'épanouissaient dans la plus grande camaraderie et les trois communautés se retrouvaient ensemble au coude à coude pour animer les clubs sportifs, les associations culturelles, musicales et autres. Entre temps les guerres successives avaient vu combattre et mourir sous les plis du même drapeau tricolore, et avec ce même enthousiasme pour défendre la France, les Castellano, Hamidat, Bensoussan, Nicolas, Hernandez, Ben Djelloul et autres Nahon. Qui peut nier que nous n'étions pas tous français et fiers de l'être, malgré nos différences ? Et puis le vent de l'histoire a tourné. Une partie de ces Saïdéens a dû, contrainte et forcée, tout quitter pour partir en abandonnant tout, y compris cette autre partie des Saïdéens qui composaient Saïda. Ni les uns ni les autres qui ont vécu ces moments là n'ont oubliés. Dans le cadre de l'Amicale, nous avons un peu écrit l'histoire de Saïda telle que nous l'avons vécue, telle que nos parents et ancêtres l'ont vécues grâce à tous ceux qui aident l'Echo de Saïda par leurs témoignages et leurs écrits, grâce à tous ceux qui par leurs cotisations le font vivre et durer. Cette histoire, nous l'avons écrite à travers les numéros de l'Echo de Saïda, à travers les magnifiques ouvrages d'Henri Pérez, nos deux "Mémorial de Saïda". Pour nous l'histoire de Saïda ne peut être que celle qui prend en compte Saïda la Française. Et si nous devions donner une réponse positive à "l'Association des Amis de Saïda" elle ne pouvait aller que dans ce sens. Mais faut-il, même dans ce sens, s'associer à leur démarche ? C'est un choix qui nous a posé un problème de conscience vis à vis de nos descendants mais aussi vis à vis de tous ceux qui sont morts à cause de ces sales années 54-62. Vis à vis de nos descendants qui pourraient nous reprocher dans une, deux ou plusieurs générations même, de n'avoir pas maintenu Ie contact qui Ieur aurait permis plus tard d'aller à Ia recherche de Ieurs racines, d'aller se recueillir sur Ies tombes de Ieurs aïeux. Vis à vis de nos disparus pouvions-nous avoir I'air de pactiser avec ceux, ou une partie de ceux, qui, n y a 34 ans ne nous avaient Iaissé d'autre alternative que "Ia valise ou Ie cercueil ?" |
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